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L’indemnisation des victimes à l’épreuve du décret Datajust

Publié le
16/4/2020
L’indemnisation des victimes à l’épreuve du décret Datajust
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En pleine crise sanitaire, le décret n° 2020-356 du 27 mars 2020 portant création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel, dit décret DataJust, a été publié au Journal officiel du 29 mars 2020.

Ce décret autorise le ministre de la Justice à mettre en œuvre, pour deux ans, un traitement automatisé de données à caractère personnel afin d’en extraire un algorithme en matière d’indemnisation des victimes de dommages corporels.

La publication de ce décret a surpris une partie du monde judiciaire et pose la question de la compatibilité du telle collecte de données avec, notamment, la règlementation RGPD.

  

Objet et fonctionnement du décret DataJust

A l’ère de la Big Data, le décret DataJust pousse un peu plus la porte de la justice prédictive. En effet, l’objectif de ce texte est la création d’un outil d’analyse des données jurisprudentielles en lien avec l’indemnisation du préjudice corporel. Il en découlera la mise en place d’un référentiel indicatif, officiel, permettant l’évaluation financière des préjudices.

A terme, cet outil vise à la réduction des litiges en la matière et à la favorisation des règlements à l’amiable. Il sera mis à la disposition des magistrats, assureurs, fonds d’indemnisation, avocats et victimes.

Le décret accorde un délai de deux ans pour développer l’algorithme et prévoit, dans cette optique, trois étapes :

  • Extraction de données : DataJust fonctionne à partir de données extraites de la jurisprudence rendue en appel dans des décisions judiciaires (base de données JURICA) et administratives (base de données ARIANE) relatives à l’indemnisation du préjudice corporel du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2019,
  • Recensement algorithmique des données extraites : l’algorithme extrait et enregistre les différentes informations considérées comme pertinentes dans les décisions de justice. Ce recensement s’effectue sur 41 critères liées, notamment, à l’âge, le genre, le type de dommage, la gravité du dommage…,
  • Élaboration d’un référentiel indicatif d’indemnisation : l’objectif est, en effet, de diffuser ce référentiel au public et aux professionnels.

Pour ce faire, le décret prévoit quatre outils et ressources produits : un protocole d’annotation, une plateforme d’annotation, un algorithme de pré-annotation et une interface de visualisation.

DataJust proposera, donc, un recensement des montants, par poste de préjudice, alloués aux victimes en indemnisation à l’occasion d’un litige. Celui-ci sera, a priori, une base pour le calcul des indemnisations des victimes.

  

Avis de la CNIL et craintes des professionnels du droit sur le décret DataJust

La CNIL a été saisie le 7 Novembre 2019 par la Garde des Sceaux d’une demande d’avis concernant un projet de décret « DataJust ». (Demande d’avis n°19020148).

Au terme de sa délibération du 9 janvier 2020, la CNIL a estimé que le recueil des données n’appelait pas d’observation particulière dès lors que les finalités du traitement permettent une meilleure administration de la justice et la mise à disposition des justiciables d’un outil permettant d’effectuer un choix éclairé de la pertinence d’engager un contentieux ou d’accepter un règlement amiable sur proposition des assureurs. La commission préconise, cependant, de porter une attention particulière aux évolutions envisagées de l’algorithme.

Pour sa part, le Conseil National des Barreaux a émis des réserves quant à la mise en œuvre d’un algorithme en matière d’indemnisation des victimes et de collecte de données sensibles. La publication du décret DataJust a, également, été l’occasion de rappeler les risques d’une justice automatisée, sans juge ni avocat.

La profession a indiqué sa volonté de saisir le Conseil d’Etat en raison des risques d’instauration d’un barème en matière de réparation des préjudices corporels et de la création d’un fichier comportant des données personnelles hors du cadre du RGPD.

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